La souffrance au travail ou le tabou du Chef d’Entreprise
La souffrance des chefs d’entreprise est un tabou. Maladies liées au stress, maux de dos, insomnies, cancer, burn out… Autant de maux que bien souvent les dirigeants cachent à leur entourage professionnel comme privé.
Cette souffrance patronale est pourtant une réalité même si elle est méconnue, et ce, pour 2 raisons comme l’explique l’Observatoire AMAROK, spécialiste de la santé physique et mentale des travailleurs non-salariés, tels que les dirigeants de PME, commerçants, professions libérales et artisans :
- Certains spécialistes de la souffrance au travail considèrent que celle-ci résulte d’un état de domination : le patron étant le dominant, il ne peut pas souffrir.
- Les dirigeants de PME sont eux-mêmes prisonniers de leur propre idéologie du leadership qui fait du leader, un winner et un battant… Il ne peut donc pas souffrir non plus.
La souffrance au travail est pourtant reconnue chez les salariés !
Cette souffrance au travail est pourtant reconnue aujourd’hui pour les salariés. Elle s’appelle désormais RPS : Risques psychosociaux. Ils sont au nombre de 5 selon l’INRS (Instit National de Recherche et de Sécurité) :
- Le stress
- Les violences internes (commises au sein de l’entreprise par des salariés : conflits, brimades, harcèlement moral, harcèlement sexuel…)
- Les violences externes (commises sur les salariés, par des personnes externes à l’entreprise : usagers, clients…)
- L’épuisement professionnel (ou burn out)
- Les formes de mal-être, de souffrance et de malaise ressentis par les salariés (surcharge de travail, incertitude de l’avenir, solitude…).
Ces risques psychosociaux sont réglementés. La loi fait effectivement obligation à l’employeur d’évaluer les risques et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Ainsi des mesures sont prises régulièrement pour améliorer les conditions de travail des salariés.
Mais en ce qui concerne ces facteurs pathogènes, quasiment identiques chez les chefs d’entreprises, il n’y a que depuis 2009, qu’ils sont étudiés par Olivier Torrés qui a créé l’Observatoire AMAROK. Il fédère une quinzaine de chercheurs qui étudient les liens entre la santé du dirigeant et celle de son entreprise.
Il fait ressortir que les travailleurs non-salariés, ayant du personnel ou non, sont soumis au stress, à une surcharge de travail importante, à une incertitude quant à l’avenir, et surtout à la solitude.
Quelles sont les raisons du stress chez les chefs d’entreprise ?
Quelques chiffres sont fournis par l’Observatoire AMAROK qui révèlent les différentes raisons d’être stressé pour les patrons :
- Une surcharge de travail : 50 à 65 heures hebdomadaires pour 92.8%
- Une forte pression de la concurrence pour 84.6%
- Les impayés pour 67.5%
- Chute des commandes pour 66.4%
- Conflit avec les clients pour 64.4%
- Problèmes de trésorerie pour 63.4%
- Pression fiscale pour 60.6%
En tête de liste, arrive toujours le stress. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’une personne est stressée quand elle ressent un déséquilibre entre ce qu’elle doit faire dans le cadre professionnel et les ressources dont elle dispose pour y répondre.
Il existe 2 catégories de stress :
Ainsi 2 catégories de stress sont reconnues : le stress aigu et le stress chronique développe le CESH (Centre d’Etudes sur le Stress Humain).
Le stress aigu découle d’événements ou de situations spécifiques pour lesquelles nous sentons que nous avons peu de contrôle et qui impliquent des éléments d’imprévisibilité et de nouveauté qui menacent notre égo. Il est donc ponctuel et souvent source de performance.
Par contre, le stress chronique, découle d’une exposition prolongée et répétée à des situations qui nous font sécréter les hormones du stress. Il est mauvais pour la santé, nous affaiblit et à la longue il peut même mener notre organisme à l’épuisement. Notre système de réponse au stress n’est pas fait pour être activé en permanence.
Il entraîne alors des :
- Symptômes physiques : maladies cardiaques, de la pression artérielle élevée, du cholestérol, du diabète, mal de dos, coliques, maux de têtes, douleurs musculaires, troubles du sommeil, de l’appétit et de la digestion, entre autres.
- Symptômes émotionnels : sensibilité et nervosités accrues, crises de larmes, angoisse, excitation, tristesse, anxiété, dépression, burn-out, suicide dans les cas extrêmes.
- Symptômes intellectuels : perturbation de la concentration entraînant des erreurs et des oublis, difficultés à prendre des initiatives ou des décisions… Ce sont des symptômes qui ont des répercussions sur les comportements, recours à des produits calmants ou excitants (café, tabac, alcool, somnifères, anxiolytiques, stupéfiants…), repli sur soi, difficultés à coopérer, diminution des activités sociales, agressivité…
La santé des chefs d’entreprise se dégrade de plus en plus !
Ainsi, le RSI, devant la recrudescence des pathologies liées au stress des chefs d’entreprise, a mis en place une campagne de check-up complets depuis 2 années environ pour sensibiliser les dirigeants à ce qui les parasite dans leur quotidien.
Quand l’état de santé du dirigeant se dégrade, la plupart du temps, celle de l’entreprise aussi. La fatigue, voire l’épuisement, entraîne souvent le manque de prise de décisions. C’est évidemment en rapport avec un état dépressif. Cette solitude dans laquelle s’emmure le chef d’entreprise, les mènent à vivre des situations critiques du type licenciements, perte de clientèles, voire faillite.
En tant que leader, le dirigeant se doit d’être fort et sans faille. Olivier Torrès qui a dirigé l’ouvrage « La santé du dirigeant, de la souffrance patronale à l’entreprenariat salutaire », précise qu’en parler ne fait pas partie de la génétique du patronat.
Il y a encore en France, la culture du présentéisme qui justifie le fait qu’il est bien vu de travailler beaucoup. Mais toujours selon Olivier Torrès, « Le chef d’entreprise se cache pour mourir » car chaque entrepreneur a à cœur de conserver une image positive auprès de l’ensemble de ses partenaires de travail. Un dirigeant ne montre pas qu’il souffre, il ne le dit pas, non plus. Le patron respecte avant tout ce triptyque sacro-saint qui l’empêche de s’épancher sur ses problèmes : Ne pas inquiéter ses clients, garder la confiance de ses fournisseurs, et conserver la fidélité de ses salariés. La santé passe après.
Le stress génère de l’inertie. Puis l’inertie, elle, engendre un défaut de prise de décision et d’action, et finalement conduit à de grosses difficultés pour l’entreprise. La résultante (dépression voire suicide) est forcément un drame pour le dirigeant, sa famille, son entourage, ses salariés : 2 chefs d’entreprise par jour, en moyenne, mettent fin à leur vie.
Un dispositif créé pour aider psychologiquement des Chefs d’entreprises en détresse
Depuis 2008, les entrepreneurs vivent des moments difficiles liés à une économie compliquée. Quelques soient les raisons qui amènent une entreprise devant le Tribunal de Commerce pour une procédure collective, ce passage signifie souvent la fin brutale d’une carrière, d’un rêve de réussite et d’indépendance, mais aussi la culpabilité, le déshonneur et la solitude. Ce stress mène à des états psychologiques de détresse : stress, désespoir, crise de larmes, et même propos suicidaires. Les professionnels font alors face à des situations qui dépassent leurs compétences.
Marc Binnié, Greffier du Tribunal de Commerce de Saintes, a souvent été confronté à cela et a décidé de passer à l’action. Accompagné du psychologue clinicien Jean-Luc Douillard, ils ont fondé APESA (Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance Aïgue) en septembre 2013. Ce dispositif est maintenant déployé dans plus de 35 Tribunaux en France. Il permet le signalement d’entrepreneurs en détresse psychologique afin qu’une aide leurs soit proposée, puis apportée. APESA a ainsi formé le personnel de différentes administrations et structures pour dépister les personnes qui peuvent être en péril.
Il y a pourtant des solutions :
Les ravages du stress donc sont colossaux, et même s’il n’y a pas de solutions universelles pour éliminer le stress de nos vies, il y a diverses pistes à explorer pour endiguer ces conséquences désastreuses :
- Prendre conscience de son stress
- Se former sur la gestion du temps et l’optimisation de nos ressources
- Travailler moins et mieux
- Partager et communiquer avec d’autres chefs d’entreprise en corporation et/ou clubs de dirigeants
- Avoir un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle
- Pratiquer régulièrement du sport (au minimum 1 fois/semaine)
- Se libérer du temps le soir et le week-end pour être en famille, entre amis
- S’obliger à avoir une alimentation saine et équilibrée
- Faire des micro-siestes dans la journée et dormir suffisamment la nuit.
Winston Churchill disait « un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté ! » Alors, Mesdames, Messieurs, action/réaction !
2 réflexions sur « La souffrance au travail ou le tabou du Chef d’Entreprise »
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Merci Adélaide pour cet article, je n’avais pas conscience de cette réalité ! alors qu’elle me parait primordiale pour toute la sphère professionnelle !!!! belle journée
Merci Laurence !
Mais il est vrai qu’une femme avertie, en vaut deux ! haha !
A nous l’avenir ! 😉